mercredi 13 juin 2007

Loki y était ... Marta Topferova au New Morning.



Un ange passe

Il est des nuits que l'on croit irrémédiablement blanches et vierges de toute émotion. Des nuits passées à sonder la profondeur de notre ennui, les deux fesses enfoncées au fond du canapé, une jambe accrochée à l'accoudoir, une main serrant sans conviction une bière tiède, l'autre tenant mollement la télécommande de la télé. Il est des nuits où toute idée de lutte s'évapore instantanément, absorbée par un profond trou noir créé dans notre cerveau, zone rendue disponible pour TF1. Il est des nuits où l'on regarde Cauet. Il est des nuits où l'on est con sans remord. Il est des nuits...
Et puis parfois, au beau milieu du vide cathodique, apparaît le miracle. Au coin de la zapette, entre deux chaînes, un ange fait son apparition. Pour moi, il est descendu le 30 mai 2006, sur les coups de deux heures du matin. Elle s'appelait Marta Topferova.
Sur le rebord d'une fenêtre d'un haut immeuble de New York, Marta jouait de son instrument fétiche, le quatro. Une petite guitare à quatre cordes venue d'Amérique du Sud. Derrière elle, les lumières de la cité semblaient danser en rythme, subjuguées par les notes de la chanteuse. J'ai immédiatement été happé par la grace naturelle de la divine diva. Marta est d'origine Tchèque mais elle vit aux Etats-Unis et chante en Espagnol. Sa musique est un passeport vers l'universalité. De sa petite sèche, elle tire des notes graciles, presque mutines, légères, comme prises au vent. On croirait entendre une harpe dans les mains d'une sirène. D'autant qu'elle a la voix des profondeurs, grave et chaude, de celles qu'on rêve d'entendre susurrer des secrets inavouables dans le creux de l'oreille. Cette nuit sur laquelle je ne comptais plus, Marta Topferova m'a chanté "Semana Azul". Et l'envoûtement dure depuis.
Un an plus tard, me voici au New Morning, face à la belle. En toute intimité puisque nous ne sommes pas plus d'une trentaine à être venus savourer son talent.
Installé à une table près de la scène, à quelques mètres à peine de l'envoûteuse, je retrouve instantanément les émotions qui s'étaient emparées de moi ce soir de mai 2006. Marta est là, dans une longue robe noire, sans fard, simplement belle. Quand elle serre son instrument contre sa taille et le caresse du bout des doigts, on rêve évidemment d'être à la place de ce bois béni. Et quand sa voix s'élève enfin, on ne rêve plus. On y est. Son groupe est à son image: sobre et talentueux. Un batteur barbu assure le show. Un contre bassiste au style très "prohibition" pousse la note avec elle. Le violoniste est juste parfait.
Mais je ne quitte pas Marta des yeux. Je songe à cette nuit où elle m'a sauvé de l'ennui. Ses compositions parfumées se délient sans efforts, comme un vêtement que l'on retire avec patience. J'espère que l'effeuillage ne s'arrêtera jamais. Le superbe La Marea, titre de son second album, me donne des frissons. Je me surprends à fermer les yeux. Au rappel, plaisir suprême, elle dévoile sa plus belle pièce, le désormais mythique "Semana Azul". Je vole. Puis elle se retire comme elle est venue, petite fée sans paillettes mais pleine de magie. Je la regarde traverser la pièce sans un bruit. J'ai envie de lui dire "merci". Mais je n'ose pas troubler le silence. Les mots sont profanes quand la grâce vient de vous frôler.
Mais qu'elle soit ici remerciée, de m'avoir, une nuit de mai, tirée des griffes de Cauet.

La fameuse vidéo est visible ici


Son site:
http://www.martatopferova.com/

A écouter:

Semana Azul

La Marea

1 commentaire:

laurence a dit…

c'est beau ca donne envie de l'écouter en boucle