jeudi 24 avril 2008

Loki like Lykke



Au scrabble, ce titre ferait un carton. 4 "k", un "y", une divinité nordique, un verbe anglais, une chanteuse suédoise. La classe. Allez, change tes lettres, j'ai les meilleures notes. Celles de la ravissante Lykke, donc, Li, de son nom. Lykke Li. Si si. A ce stade, sans doute que tu n'as toujours rien compris. La suite ne va rien arranger. Lyyke, 22 ans d'âge, distille une pop alcoolisée et pétillante. De la caste des chanteuses folk du 22ème siècle, type Feist, Cat Power, Micky Green, Natasha Kahn voire même Lilly Allen. Des filles sympas quoi. Lykke a le charme mystérieux du Grand Nord et la chaleur troublante d'une source chaude. La glace fondante à la surface d'un volcan. Avec son premier album, Youth Novel, elle s'apprête à exploser comme un geyser sur la scène mondiale. De sa voix douce, elle caresse des mélodies aux cordes sourdes, instruments traditionnels sur rythmes électroniques. Mutine, pourtant fauve, histoires de jeunes filles de son âge, un rien plus sauvage. La vidéo de "I'm good, I'm gone" est aussi barrée que ce post, auquel tu ne comprends décidément rien et c'est très bien. Tu as remarqué la proximité de "onirique" et "ironique"? Lykke Li, c'est un peu l'anagramme qui va de l'un à l'autre. Comme une fantaisie cynique, un pomme empoisonnée, un conte de fée qui se termine mal. "I'm good, I'm gone" est la contraction visuelle de cet univers gentiment torturé. Ecole désaffectée et infectée, bodybulder en maillot une pièce argenté jouant du tambour, vieux faisant du break, Lykke en blouse blanche et son charmant visage de petit hamster malicieux barré d'un regard inquiétant. Génial. Lykke Li. Rien compris.

I'm good, I'm gone:


Version acoustique:


Little Bit, balade amoureuse un rien déglinguée:

dimanche 20 avril 2008

Loki est un baladeur numérique

Un voyageur électronique, un back-packer virtuel, un explorateur sur toile, un amiral sur les flows du web, un e-navigateur... Et ce soir, son adresse IP se promène dans une rue moite de Luanda, capitale de l'Ouganda, et se trémousse frénétiquement sur le Kuduro, le son des ghettos de l'Afrique lusophone. Luxe infini de notre époque, celui de voir la planète s'ouvrir en grand, au moins sur nos écrans. L'humanité, ou presque, au bout de la queue d'une souris. Le tour du monde en 80 clics...
A l'heure où, en France, on enterre Mai 68, elle est peut être bien là, la révolution de la génération sans nom. Dans ce gigantesque brassage culturel né de nos interminables cités, dans cette communication mondialisée au dessus des frontières, dans la disparition des genres et des étiquettes, dans la faillite des idéologies et des courants. Nous sommes la myriade. Ils étaient l'unité. Ils ont tenté de fédérer, nous sommes explosés. Mais nous nous mélangeons. Enfin.
Et notre musique en est le parfait symbole. A l'heure où produire et diffuser ne coûte quasiment plus rien, les styles se fécondent joyeusement. C'est une gigantesque partouse musicale totalement décomplexée qui s'organise aux quatre coins du globe. Et ça donne une jolie symphonie de mélodies orgasmiques. Ca jouit sévère sur la portée.
Le Kuduro fait partie de ces scènes locales qui explosent à la face du globe juste avec quelques vidéos balancées sur le net. Un pixel parmi des millions, aux côtés de la Cumbia sud américaine et de la baile brésilienne. Genre métis, le Kuduro est le fruit de l'union des sons africains, latins et européens. Dans cette ex-colonie portugaise, la jeunesse des ghettos danse sur des rythmes africains, mâtinés de salsa, accélérés façon électro est-européenne. Trans musique fascinante. Sur ces beats endiablés, les MC balancent de la rime énervée et très cul. Kuduro, d'ailleurs, est une expression associée au postérieur féminin du genre "cul ferme". Et s'accompagne d'une danse hallucinante, épileptique et inquiétante, décalée et décadente, suave et sauvage. Magnifique.
Jusqu'à présent confiné aux pays africains lusophones et au Portugal, le Kunduro s'exporte grâce au groupe Buraka sum Sistema, du nom d'un quartier de Lisbonne. Avec le titre Sound of Kuduro, en compagnie de l'évidente MIA (elle employait déjà des danseurs de Kuduro dans le clip de Boyz), Saborosa et Puto Prata, ce combo de producteurs provoque l'électrocution. La vidéo qui accompagne le morceau est simplement ahurissante. Et donne à Loki des envies de grand soir. Même s'il sait qu'il est déjà trop tard. La révolution, ce sera pour l'after...




Bonus: le premier titre de Buraka, sorti fin 2006:

mardi 15 avril 2008

Loki est bien un Panaméen



De Paname à Panama. Une lettre et 8 500 kilomètres. Un océan, un continent, un monde.
Loki a posé ses pieds entre les deux Amériques. Panama, pays tranché en tous sens. Géographiquement, tailladé par son canal, une saignée trouant la terre dans laquelle plus de 20 000 hommes ont trouvé la mort, fauchés par la fièvre jaune, la malaria ou les conditions de travail infernales. Ils se sont couchés dans le lit du canal, avant que ne coule sur leurs corps une eau claire joignant deux océans. Monde plus petit depuis.
Panama, pays tranché. Socialement, barios contre buildings rutilants. Les tours jaillissent de la terre comme des champignons après une pluie de dollars. C'est l'eau du canal qui se déverse du ciel en billets verts depuis que les Américains ont rendu leur bien aux Panaméens. Jusqu'en 2000, la voie interocéanique appartenait aux USA. De chaque côté, une bande de terre transformée en No Man's Land militaire. Un état dans l'état. En 63, des étudiants Panaméens tentent de hisser leur drapeau aux côtés de la bannière US, conformément à un accord signé entre les présidents des deux pays. Réponse américaine: les balles. 21 morts, 500 blessés.
Avant la rétrocession, le canal ne rapportait que 2 millions de dollars par an à l'état. Depuis qu'il est géré par le Panama, il en déverse 2 milliards chaque année sur le pays! Un flow qui, pour l'instant, n'infiltre que les couches les plus hautes d'une société qui a encore les pieds embourbés dans le tiers monde. Près de 30% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Pour l'instant, les Panaméens construisent des tours éclatantes qui caressent le ciel, mais ils ne sont pas près d'y habiter. Ce sont les retraités nord Américains qui viendront y couler des jours paisibles, attirés par une fiscalité très souple et peu regardante sur la provenance des liquidités. Argent sale ou propre, tout circule sur l'isthme pourvu que la misère choisisse, elle, un autre chemin.
Panama, pays tranché. Nature sauvage contre modernité. Quelques mètres en dehors de la cité, c'est déjà la jungle. Dense et dansante. Elle règne encore sur la terre, vierge effarouchée qui se refuse au béton. Neuf tribus indiennes se partagent son territoire. Des Emberas aux Kunas. Dans une contrée où l'on ne fait que passer ou mourir, ils sont la culture, le terroir, l'histoire. Respectés, comme nulle part ailleurs. Le président du congrès est l'un d'entre eux. Panama a payé pour son passé. On ne tranche pas un pays sans le blesser...

Loki a ouvert les yeux et les oreilles. Images (clique pour les agrandir):












Et son, avec Ruben Blades, le plus illustre des chanteurs Panaméens. Gilberto Gil du Panama, il est minstre du tourisme du pays sous le gouvernement Torrijos, fils de celui qui négocia la rétrocession du canal avec Jimmy Carter en 1977. Son magnifique Patria est considéré par de nombreux Panaméens comme le second hymne national. Dans cette video, il chante avec Robi Draco Rosa, autre star locale:


Puis Kafu Banton, qui chante les ghettos de Colon, deuxième ville du pays, située à l'entrée Atlantique du canal:


Enorme dédicace à JP, lecteur fidèle et soutien inconditionnel.