Légende urbaine
Dans la geste rapologique, il est des attributs qui font monter d'un coup la cote des prétendants au trône. Une balle dans la tronche par exemple. Celle qui a traversé la bouche de DG Yola, fracassant sa mâchoire et laissant deux trous bien nets sur ses joues, aurait pu plomber ses rêves de gloire. Elle est pourtant en train de faire de lui une légende. Avant ce braquage méchamment parti en couille à un carrefour d'ATL (Atlanta), épicentre de la secousse Dirty South et nouvelle capitale du rap mondial, DG Yola avait tout du jeune loup prêt à plaquer ses rimes d'un or massif. Un MC ultra talentueux d'à peine 18 piges, doté d'un flow élastique et mélodique, maîtrisant avec une rare aisance l'art de la punchline meurtrière et, "cerise sur le ghetto" (copyright Mafia K'1 Fry), d'un solide sens du second degré. Avant la balle, maître Yola s'éclatait, distribuait des égotrips puissants comme ce Ain't Gonna Let Up culte dès sa sortie et claquait des freestyles incroyables sur les ondes US. Avant la balle, Yola envoyait un Rollin "so pimpalicious" entouré des revanchards Bone Thugs n'Harmony. Avant la balle, Yola en était une. Après, il est une rafale.
Entrepreneur du ghetto, il a compris en un clin d'oeil le bénéfice qu'il devait absolument tirer du tragique épisode. Pas d'autre choix, évidemment. Peu de temps après son hospitalisation, des vidéos montrant sa douloureuse remise sur pieds, et surtout sur dents, ont fait leur apparition sur le net. Impact immédiat. Explosion des connexions. Buzz tsunamique. Ventes en ascension libre. Ce qui ne te tue pas te rend plus fort. Pas de connerie, Yola est très diminué. Sa mâchoire crispée, masquée par son grill, n'a plus la moindre mobilité. Il siffle des mots entre ses chicots dorés avec conviction mais ses paroles suintent la douleur. Pour l'instant, il semble absolument incapable de rapper, comme l'atteste les passages parlés sur sa nouvelle mixtape Thru the wire qui rassemble des titres, la plupart excellents, enregistrés avant la balle. Mais sa motivation brûlante, sa rage de vaincre et son absence totale de ressentiment, même vis à vis de son agresseur, donnent envie d'y croire. Il va mieux et c'est déjà ça. Les crétins pourront hurler au cynisme, à la violence instrumentalisée, à la vulgarité d'un môme ne pensant qu'à faire du fric et voyant dans sa propre souffrance un moyen d'attirer sur lui les regards. Ils n'auront rien compris. "I'm a get money nigger" scande-t-il à l'envie. Yola était déjà en survie avant la balle. L'énergie du désespoir, c'est sans doute la seule qui n'ait jamais tourné dans son moteur. Un carburant abrasif qui ne cherche qu'une étincelle pour s'enflammer d'un coup. Yola a rencontré la balle. Il s'apprête à brûler de mille feux.
La video de Aint Gonna Let Up, titre prophétique. Malheureusement sauvagement censuré pour les besoins du clip:
Freestyle d'enfoiré sur le son Fly High, impro et punchlines en pagaille, un massacre:
La première video après le passage de la balle. Attention, brutal.
Son myspace est très fourni, la totalité de sa mixtape est en écoute. C'est ici.
2 commentaires:
Franchement, quand je te lis Mista Loki, je reste abasourdi, totalement plaqué sur mon séant...
Ce que tu écris, on croirait que tu nous le raconte verbalement, que tu te trouves en face de nous et que nous prenons tout en pleine gueule...En somme, ton écriture coule de source,ça faisait longtemps que je ne m'étais pas fait cette réflexion pour qui que ce soit...
Ca faisait un bail que je n'étais pas passé, mais ça me donne envie de te voir continuer...Bref, mec, comme disaient les Neg Marrons (ouais, je sais ça date) : "jeune homme lève-toi, bats-toi, la vie appartient à celui qui se lève tôt et qui ne baisse pas les bras"...Pour le réveil, on repassera, pour le talent ça s'affine jour après jour, à chaque minute, chaque seconde...
Encore bravo mon vieux
Hey merci m'sieur Pépit! Ca fait plaisir! Si les quelques mots jetés ici t'ont touché, c'est une belle satisfaction pour moi. Et que tu prennes le temps de le manifester, c'est une énorme rétribution.
Je suis moi aussi tes aventures sur la blogosphère. Félicitations pour tes posts footbalistiques, de plus en plus affutés.
D'ailleurs, je vais mettre un lien vers le site...
Repasse quand tu veux, comme dirait l'autre fange "tu seras bienvenu chez moi!"
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