jeudi 5 juin 2008
Loki est un super vilain.
Un vrai, du genre couillu cornu avec collant et slip en peau de reptile. Jaune et vert, un peu ambiance Jamaïca en nettement moins chaleureux. Queue de cheval de p'tit enfoiré derrière le crâne. Et un cheptel de pit-bulls des enfers à ses côtés, genre combats clandestins dans les caves du Walhalla. Il fallait bien faire la lumière sur les origines du mystérieux Loki, qui hante la toile depuis bientôt un an. Alors voilà le jeune, maintenant tu sais. Loki est un super vilain.
Hommage au personnage mythique qui a inspiré le maitre de ces lieux. Dans le grenier du parrain, un plein carton de comics venait projeter sur les rétines un imaginaire flamboyant, exotique, lointain. Les super héros US, arme de distraction massive à la gloire de l'oncle Sam, type Captain America, bandent des muscles triomphants au visage de l'ennemi. Degré premier de la fantaisie, facile, accessible. Des types médiocres deviennent géniaux en portant des collants. Des crétins se déguisent en portant des lunettes. Des abrutis bas de plafonds grimpent aux murs après une morsure d'araignée. Self made mens absolus, mythe de l'incarnation, de la réincarnation, rêve américain travesti. Et dans ces BD mal foutues, au côté du grandiose Thor, sorte de charpentier écrabouillant des immondices à grands coups de marteau électrifié, un vilain bien tordu saute aux yeux, crève la bulle. Un vrai sale type, concentration de tout ce que n'est PAS le super-héros: fourbe, laid, cynique, calculateur, mytho, pourri au dernier degré de la putréfaction. Un super vilain. Comme nous. Adoration immédiate. Et nom qui claque: Loki.
Au départ, Loki est un dieu de la cosmogonie nordique. Proche parent d'Odin, sorte de DG des dieux. On les dit tantôt frères, tantôt cousins. Peu importe. Il est lié à la puissance parfaite. Il en est le contre balancier. De fait, c'est autour de Loki que tournent quasiment toutes les histoires de la mythologie nordique. Il vole le marteau de Thor, ment, tue, trompe les autres dieux qui ne jurent que par sa perte. Mais il les sort aussi de situations inextricables, comme lorsqu'il défait le géant ayant construit un mur autour d'Asgard, la bicoque d'Odin. Sa fin est édifiante. Au terme d'une ultime fourberie les dieux décident de l'attacher à trois rochers. Au dessus de lui, perché sur un arbre, un serpent déverse en permanence sur son corps un venin chaud qui ronge sa peau. Pour le protéger, sa femme Sigyn recueille le mortel liquide dans une coupe. Mais quand celle-ci est pleine, le poison brûle le pauvre Loki. Et ses hurlements de souffrance déclenchent de terribles tremblements de terre...
Un son en hommage à Loki? Put You On Game. Lupe Fiasco. Ok, on est loin de Black Sabbath et le petit Lupe n'a rien de l'antechrist. Pourtant, ce morceau est une ode diabolique au mal le plus pur en même temps que son meilleur titre. Sur un son sombre, violons chialants et lancinants, ponctué de détonations, Lupe rap en diable. Satan avec un micro fourchu, il envoie un texte parfait en forme d'incantation. On connaissait les talents du bonhomme, souvent sous employés sur des productions ronflantes. Là, c'est d'un tout autre niveau. Une orientation maléfique qu'il ferait bien d'emprunter à nouveau. Le mal lui va bien. Les deux dernières rimes, écrites dans un sang d'encre, claquent comme une implacable sentence:"If you die, tell them that you played my game/ I hope your bullet holes become mouths that say my name."
Voici Lupe, pour Loki. Super vilain. Bouh!
Ce texte est tellement diabolique que je le mets en lien. Là.
Gigantesque dédicace au parrain et à son mythique carton de comics.
lundi 2 juin 2008
Loki a une gueule d'Atmopshere
La tronche d'un p'tit blanc métissé par le pavé, basané par l'amitié, froncé par une musique saccadée. Comme si on avait une couleur... Loki a une gueule d'Atmosphere, le plus increvable des combos hip-hop blancs. Slug et Ant, le duo magique de Minneapolis remet ça avec, sans doute, l'album le plus abouti de leur longue carrière. Un titre méta-foirreux pour commencer, When life gives you lemons, You paint that shit gold. Long, sympa, non sens. A l'intérieur, c'est juste magnifique. De tous les groupes qui ont fait explosé, début 2000, la scène indépendante blanche, type Anticon, Sage Francis, Buck, Cage, Atmosphere est le plus cohérent, le plus inventif, le moins chiant, aussi. Il faudra un jour se pencher sur cette manie des rappeurs blancs à raconter leur déprime à longueur de textes. Les MC aspirine, passent, pour la plupart, leur temps dans l'introspection quand leurs collègues noirs garent leurs rimes bien loin de leur intérieur. Comme un manque de pudeur, une facilité à débiter le mal être. Ou alors une sorte de pulsion légitimiste, comme une manière de dire "Putain les gars j'ai le droit de rapper, je vais super mal!!!" Bien sur, je grossi le trait comme un fat cap. Mais on est quand même pas loin des séances de psy sur beat.
On s'est lassé. Mais Atmosphere est resté. Parce que Slug, le rapper dépresso, est accompagné d'un sacré compositeur. Je sais, on dit producteur normalement. Si si, dans le hip-hop, y'a pas de compositeur. Parce qu'un type qui sample ou joue uniquement de la machine numérique, ça peut pas être un compositeur ma bonne dame. Et non. N'empêche, Ant, deuxième moitié du duo, est un putain de compositeur. Du genre à recomposer des boucles tirées de nulle part, à bidouiller des mélodies parfaites, à faire chanter le plus lourdaud de synthés. Avec lui, les rimes taillées dans un poignet de Slug deviennent presque légères. Il tranche la sinistrose, écrase le cafard à coup de basses bien énervées. L'alchimie est parfaite.
Là dessus, Slug narre. Un peu "Raconte moi des Histoires" version trash. Ici une pute affamée, là une serveuse paumée. Souvent, il parle de lui, même quand il parle des autres. De son ex, Lucie, qui hante ses maux. La plume est précise, fine, sombre, évidemment. On écoute. Puis on écoute. Et enfin, on écoute. La chute est toujours implacable. Un film sonore, avec juste un générique. Putain d'Atmosphere.
Live parfait, si ce n'est la choriste, au show de Connan O'Brien. Le morceau, You, est l'un de plus réussis du dernier album. Slug raconte la vie flinguée d'une serveuse dans un rade bien mal famé. Normal que la belle finisse par le croiser:
La vidéo de You Shoulda Kown. Archétype parfait de l'art de Slug. Mal de crane, vue trouble, filles maigres, drogue, alcool. Luxe, rap et foncedé.
Your Glass House. Attention, chef d'oeuvre. Son sur-pression et rimes éthyliques. Slug tutoies et tue. Tu te réveilles d'une vilaine nuit, la gueule au fin fond de ton fion, un cendrier dans la gorge, de l'alcool plein les veines. Et tu ne sais pas dans quelle saloperie de baraque tu te trouves. Mais où es-tu? Avec qui? Slug a la réponse. Ecoute:
La photo d'ouverture est tirée du superbe travail de l'artiste chinois Li Wei.
Note: Atmosphere, acoompagné de Brother Ali, est en concert le 28 juin au Batofar.
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